L'orchestre philharmonique d'Israël empêché de jouer à Paris : les images des "incidents graves"

Le concert a été forcé de s'interrompre face aux perturbations. La représentation donnée par l'orchestre philharmonique d'Israël dans la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris dans la soirée du jeudi 6 novembre a été bousculée à trois reprises par des spectateurs manifestement opposés à la présence de l'orchestre israélien.
"A trois reprises, des spectateurs en possession d'un billet ont tenté de diverses manières d'interrompre le concert, dont deux fois avec l'usage de fumigènes", a indiqué la Philharmonie de Paris qui, à l'issue de la soirée, a dit "condamner fermement les graves incidents" s'étant produit durant le spectacle et ayant mis en danger le public, le personnel et les artistes. L'établissement a également annoncé porter plainte. Quatre personnes ont été placées en garde à vue annonce la ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez qui "condamne fermement les agissements" ce vendredi matin sur X.
Plusieurs fumigènes plongeant des parcelles de la salle de spectacle dans une fumée rouge ont été lancés au cours du spectacle, mais certains manifestant se sont également mobilisés dans les gradins, entraînant des attroupements. "Des spectateurs se sont interposés et des affrontements ont eu lieu", rapporte l'établissement qui accueillait le concert. Après plusieurs perturbations, "les fauteurs de troubles ont été évacués et le concert, qui avait dû s'interrompre, a repris et s'est achevé dans le calme", a fait savoir la Philharmonie.
Le concert de l'orchestre philharmonique d'Israël à Paris faisait l'objet de critiques depuis l'annonce de sa tenue il y a un mois, notamment en raison de la situation toujours très tendue dans la bande de Gaza malgré le cessez-le-feu en vigueur depuis le début du mois d'octobre.
Des demandes pour la déprogrammation du concertPlusieurs artistes et spectateurs avaient signé une lettre dans Le Club de Médiapart le 15 octobre pour exprimer une "grande inquiétude" et demander la déprogrammation du concert. Les signataires rappelaient les déclarations du secrétaire général de l'orchestre israélien, Yair Mashiach, qui avait présenté la formation musicale comme "l'orchestre national de l'État d'Israël et son ambassadeur culturel dans le monde". Fin octobre, la CGT Spectacle avait enjoint à la Philharmonie de Paris à rappeler le contexte géopolitique et les faits reprochés à l'Etat israélien dans sa guerre contre le Hamas : "La Philharmonie de Paris ne peut accueillir l'orchestre philharmonique d'Israël sans rappeler à son public les accusations gravissimes qui pèsent contre les dirigeants de ce pays, ni la teneur des crimes commis à Gaza".
Le concert de l'orchestre israélien a tout de même été maintenu par la Philharmonie de Paris, avec le soutien de la ministre de la Culture Rachida Dati, estimant que "les artistes ne peuvent être tenus responsables de leurs gouvernements par simple association". Une décision que l'établissement indique ne pas regretter. La Cité de la musique déclare dans un communiqué publié au lendemain du concert que "rien ne peut justifier" les événements survenus durant le concert jeudi soir : "La Philharmonie a démontré qu'elle était à l'écoute en répondant aux diverses interpellations reçues ces derniers jours au sujet de ce concert. Mais la violence n'est pas un débat. Et la faire entrer dans une salle de concert est très grave".
En réaction aux perturbations lors du concert de l'orchestre israélien, le président du Crif Yonathan Arfi a exigé des "sanctions exemplaires" contre les fauteurs de troubles. Et le représentant de la communauté juive d'ajouter : "Les perturbations qui se multiplient sont inacceptables. Cela n'empêchera jamais les artistes ciblés par la haine de rencontrer l'ovation du public".
Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères est revenu sur les incidents survenus jeudi soir à la Philharmonie de Paris. Des incidents qualifiés d'"inacceptables" et des actes jugés "irresponsables et dangereux". Paris rappelle "son opposition à toute forme de boycott des artistes, son attachement à la liberté artistique et au respect des institutions culturelles". Insistant sur l'engagement du pays contre l'antisémitisme, la France assure qu'elle "continuera de défendre le dialogue, la culture, et le respect mutuel dans un contexte international marqué par de fortes tensions".
Au micro d'Europe 1, le violoniste de l'Orchestre philharmonique d'Israël Ilya Konovalov est revenu sur les perturbations survenues jeudi soir. "Nous avons commencé à jouer et il y a eu des gens qui ont commencé à crier et à utiliser des fumigènes. C'était terrible au début du concert", explique-t-il, avant de reconnaître : "Oui, bien sûr, on a eu peur." Et d'assurer : "Nous sommes venus pour jouer de la musique, pour tous. Pour tous ceux qui aiment la musique classique, nous sommes venus pour eux."
"Non, je ne condamne pas" les perturbations de manifestants ayant interrompu le concert de l'orchestre philharmonique d'Israël à Paris jeudi soir, a déclaré l'eurodéputées de LFI Manon Aubry au micro de CNews ce vendredi matin. L'élue a également rejeté la faute sur le gouvernement israélien estimant que "le meilleur moyen d’éviter ce type d’incidents" est que l'Etat hébreu "cesse de massacrer tout un peuple". Pour appuyer sa position, Manon Aubry a fait un parallèle avec l'exclusion de la Russie à l'Eurovision : "Tout le monde a trouvé cela normal. La Russie commet des crimes de guerre, Israël aussi. La différence, c’est qu’Israël a été attaqué le 7 octobre, mais cela ne justifie pas les massacres qui ont suivi", a-t-elle affirmé.
"Rien ne peut justifier un appel au boycott d’un moment de culture et de partage. Rien ne peut justifier de perturber un concert, de menacer la sécurité du public, des personnels et des artistes", écrivent dans un communiqué commun Rachida Dati, ministre de la Culture, et Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. "Les Ministres rappellent que la liberté de création, de programmation et de diffusion sont des droits garantis par la loi et des valeurs fondamentales de notre République. Ce cas grave d’atteinte à la liberté de création vient renforcer la nécessité d’une action coordonnée [...] Les forces de police ont pu interpeller plusieurs auteurs de ces graves troubles et des procédures sont en cours. Des sanctions exemplaires devront être prises."
Le président du Conseil représentatif des institutions juives (Crif), Yonathan Arfi, se trouvait dans la salle au moment des incidents. Il a réagi au micro de RTL, pour faire part de son émotion. "Je demande que des enquêtes qui soient approfondies pour déterminer comment des fumigènes ont pu pénétrer dans l'enceinte de la Philharmonie, assure-t-il. Est-ce qu'il y a eu des complicités internes ? Est-ce qu'il y a eu des failles dans le dispositif de sécurité ?" s'est-il interrogé. "Je sais que la mobilisation de la préfecture de police était extrêmement importante et il faut la saluer. Mais je regrette que, malheureusement, des activistes pro-palestiniens aient réussi à perturber le bon déroulement d'un concert de ce type dans une instance qui est plutôt feutrée traditionnellement", a-t-il ajouté. IL a également pointé la "responsabilité" de LFI, qui selon lui "a cultivé un discours de haine, un discours de stigmatisation, un discours d'essentialisation aussi, comme si chacun des Israéliens, mais au fond même chacun des Juifs dans le monde entier, à leurs yeux, était responsable d'une situation à 3.000 kilomètres".
L'Internaute



